Logement et revitalisation du quartier Vanier :
lettre ouverte aux candidats.es à la Mairie de Québec
Mesdames, Messieurs,
Au cours des prochaines années, le quartier Vanier vivra des transformations majeures avec la Vision d’aménagement du pôle urbain Wilfrid-Hamel-Laurentienne de la Ville de Québec et la réinvention complète du centre commercial Fleur-de-Lys par Trudel Alliance. Il nous est permis d’espérer une revitalisation du quartier qui améliorera de façon durable la qualité de vie de l’ensemble de sa communauté. Vanier le mérite bien. Rappelons qu’il est actuellement le quartier le plus défavorisé sur le plan matériel de toute la Ville de Québec. Avec pour conséquences une population qui doit composer quotidiennement avec d’importantes inégalités sociales de santé et de grandes vulnérabilités, toutes bien documentées par nos institutions publiques (y compris la Ville de Québec). L’aménagement actuel du territoire de Vanier est en lui-même une source d’inégalités et de vulnérabilité. La qualité de l’air y est préoccupante, le bitume des rues et des vastes stationnements commerciaux domine et les îlots chaleurs s’étendent à l’ensemble du quartier.
La partie de la vision d’aménagement du pôle Hamel-Laurentienne qui concerne le quartier Vanier est très stimulante et permet d’espérer la fin de ce triste état de fait. Cependant, elle repose essentiellement sur des souhaits émis par la Ville et dont la réalisation dépend en majeure partie du bon vouloir du gouvernement du Québec et des entreprises privées. Par exemple, la transformation de l’autoroute Laurentienne en boulevard urbain dépend de la volonté du gouvernement du Québec. Par ailleurs, le développement commercial et immobilier souhaité par la Ville dépend quant à lui des intérêts des promoteurs privés. La réinvention de l’espace Fleur-de-Lys en est un exemple concret. Il comprend entre autres une réorganisation des espaces commerciaux, d’un campus universitaire, d’un développement immobilier et des aménagements urbains qui changeront à jamais le quartier tel qu’on le connaît actuellement. Ce développement s’inscrit parfaitement dans la Vision de la Ville et il est, sans aucun doute, porteur d’espoir pour le quartier. Déjà, la présence du tout nouveau campus de l’UQTR et de centaines d’étudiants.tes de psychoéducation laissent entrevoir tout un potentiel d’innovation sociale, entre autres par des partenariats avec les organismes communautaires pour des stages, des recherches-actions et des projets citoyens.
Toutefois, la transformation de Fleur-de-Lys et comme l’ensemble des changements envisagés dans la Vision de la Ville s’accompagnent d’importants risques pour la communauté de Vanier. Et d’abord le risque d’une gentrification désordonnée et insensible qui aurait pour effet pervers de pousser une partie des résidents.tes hors de leur quartier et d’abord les ménages les plus vulnérables. Le logement joue un rôle essentiel dans la lutte contre les inégalités sociales. Il est un déterminant majeur de santé physique et mentale et un facteur premier d’inclusion sociale. C’est le lieu d’ancrage des familles et des individus dans une communauté, une pierre d’assise sur laquelle ils bâtissent des relations de solidarité avec le voisinage et permet l’engagement citoyen. L’instabilité résidentielle, au contraire, est un indice majeur de défavorisation sociale et matérielle. Dans sa forme la plus grave, c’est l’itinérance chronique.
Or, depuis 2017, nous observons l’arrivée de nouveaux propriétaires dans le quartier qui exercent des tactiques de rénovictions pour évincer (simplement et en toute impunité) des locataires à faible revenu ou vulnérables. D’autres, confrontés au pouvoir démesuré des propriétaires et inquiets de perdre leur place, acceptent des logements ayant des besoins importants de réparations. Si les locataires actuels n’ont pas la protection qu’ils méritent, ceux et celles qui occuperont les plus de 1000 nouvelles unités de logement prévus au cours des prochaines années seront tout aussi vulnérables. En effet, rappelons que sur une construction de 5 ans ou moins, le propriétaire a tous les droits d’augmenter comme il le souhaite le prix du loyer.
Pour contrer les effets pervers de la gentrification à Vanier, la Ville de Québec doit assumer un leadership responsable. En 2019, l’administration Labeaume adoptait une Vision de l’habitation qui reconnaissait que plus de 20 000 ménages avaient des besoins impérieux de logement sur son territoire et que le marché privé ne pouvait seul y trouver une solution. Cependant, les ambitions de la Ville restaient bien minces : 2 300 logements sociaux et communautaires d’ici 2025. Et ça reste un vœu pieux car, là aussi, les capacités de réalisation de la Ville dépendent de la volonté du gouvernement provincial de financer des logements sociaux.
Or, il y a des limites à se cacher derrière les incuries des gouvernements provinciaux pour expliquer le manque de logements sociaux à l’échelle locale. Sous votre futur leadership, la Ville de Québec peut et doit se montrer innovante et audacieuse en matière de financement et de construction de logements sociaux et communautaires ou encore abordables. On peut s’inspirer de règlementations existantes dans d’autres villes du Québec. D’abord des règlementations qui favorisent le développement d’une plus grande part de logements sociaux et communautaires et de logements abordables. Ces types de logements favorisent la stabilité résidentielle à long terme des ménages à plus faible revenu. La Ville de Québec devrait s’inspirer de Montréal et exiger que tout projet de plus de 100 unités de logement comprenne au moins 15% de logements sociaux et communautaires et 15% de logements abordables. Nous croyons aussi que la Ville doit constituer des réserves foncières pour des projets de logements sociaux, communautaires ou abordables. Dans ce sens, la Ville de Québec doit cesser de tolérer que des immeubles soient laissés à l’abandon des années et fixer des limites au-delà desquelles elle peut les ajouter à sa réserve foncière. Si l’acquisition puis la destruction d’immeubles sont justifiés pour un projet de transport structurant, ils le sont aussi pour des projets d’habitation structurants.
En ce début de campagne électorale municipale, nous vous appelons à prendre des positions claires sur le type de leadership que vous comptez exercer pour réussir la revitalisation que Vanier mérite depuis bien longtemps. Notre quartier va vivre des transformations majeures sous votre mandat. Défavorisée sur le plan matériel, obligée de composer avec des inégalités et des vulnérabilités importants, enclavée dans un quartier de bitume, la communauté de Vanier mérite de votre part un leadership guidé par une vision cohérente, sensible, innovante, audacieuse voire courageuse du développement de son quartier et un réel souci d’améliorer sa qualité de vie.
François Labbé, directeur général
Maude Samson-Gauthier, chargée de projets en mobilisation citoyenne
Mathieu Legrand, chargé de projets en mobilisation citoyenne
La Ruche Vanier